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En marge des grands événements sportifs

Mon nom est Kim, je suis Philippin.
J’habite aujourd’hui dans un appartement en banlieue parisienne avec ma femme et mes deux enfants.
Voici mon histoire depuis mon arrivée en France.

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Lorsque je quitte mon pays il y a 12 ans, c’est avant tout pour trouver du travail en France afin de subvenir aux besoins de ma famille.
Arrivé à Paris, je réponds à l’annonce d’un couple proposant un emploi de majordome. Ils sont prêts à m’embaucher.

Ils me demandent mon passeport pour régulariser ma situation et me faire un contrat. J’accepte et commence à travailler sans attendre.

Mes employeurs sont très fortunés. Ils ont une cinquantaine d’années et habitent les beaux quartiers de Paris dans un appartement très cossu.

Lui est médecin et possède son cabinet. Elle gère un magasin de mode aux Halles.

Au départ, ma mission est essentiellement celle d’un homme de maison.
Je dois tenir l’appartement, faire la cuisine, les courses, et le service lors des réceptions. Le tout pour un salaire insignifiant.
Je suis logé sur place, dans une chambre très exigüe mais la situation est supportable.
J’arrive à envoyer une partie de l’argent à la famille restée au pays.

Au fil du temps, la situation se dégrade.
Je dois désormais faire le ménage au cabinet médical, mais aussi dans des appartements que mes employeurs louent à des touristes.
Pendant les vacances, je dois gérer la maison secondaire dans le sud de la France.

Malgré la charge de travail supplémentaire, mon salaire n’a pas évolué et est toujours insignifiant.
Je n’ai aucun répit. Mes employeurs font de grandes réceptions interminables qui m’obligent à travailler jusqu’au bout de la nuit. Et le lendemain, je me lève à la première heure pour tenir la maison. Cela n’a pas de fin.

Par ailleurs, mes employeurs ont gardé mon passeport et je n’ai aucune nouvelle de ma régularisation. Sans papier, je n’ai aucun recours.
J’ai bien trop peur de la police pour aller leur parler de ma situation. Je survis ainsi pendant plusieurs années.

Jusqu’au jour où, épuisé, je refuse de partir en week-end dans la maison secondaire de la famille.
Je demande à ce que mes conditions de travail et mon salaire soient revus. Mes employeurs s’indignent devant mes revendications.
Ils réagissent très violemment, et de façon très humiliante. L’altercation débouche sur un point de non-retour. Je me sens en danger.

J’alerte alors une association d’aide aux victimes de traite qui va m’accompagner pour faire valoir mes droits devant la justice, retrouver du travail et faire venir ma famille.

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DES CLEFS POUR COMPRENDRE

La traite des êtres humains à des fins d’exploitation au travail, communément appelée esclavage moderne, correspond à la situation d’une personne vulnérable, qui se voit contrainte, physiquement et moralement, de fournir un travail sans contribution financière ou sous payé, privée de liberté, et dans des conditions d’hébergement et de travail contraires à la dignité humaine. Dans ces situations, on retrouve des éléments tels que : la confiscation du passeport et des papiers d’identité, la rupture des liens familiaux et l’isolement culturel. Comme pour Rita et Kim, de telles exploitations peuvent se dérouler dans un cadre domestique, c’est-à-dire au sein d’une famille et d’un domicile privé. On peut alors entendre parler de « servitude ou d’esclavage domestique » ou « d’exploitation domestique ».

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Qui sont les victimes ?

Les personnes victimes peuvent être de tout âge et de toute nationalité. Cependant, elles cumulent généralement plusieurs difficultés qui les rendent vulnérables.
Par exemple, de ne pas parler la langue française, de ne pas savoir lire, de ne pas connaître leurs droits en France, ou encore d'être porteuses d'un handicap physique ou mental.

Dans les cas d'exploitation domestique, on a tendance à retrouver plus de femmes victimes, parfois encore mineures, contrairement par exemple au cas d'exploitation survenant dans des entreprises, où la majorité des victimes sont des hommes.

Comment les repérer ?

Il est très difficile de repérer ces victimes qui ont été rendues invisibles par les exploiteurs.

Chacun peut cependant être vigilant et poser des questions discrètes à un travailleur dont les conditions de travail (absence d'équipement de sécurité, condition physique inquiétante, etc.) nous interpellent.

Chacun peut également prendre le temps d'écouter avec attention une personne qui par exemple demanderait de l'aide dans la rue après s'être enfuie du lieu d'exploitation.

Dans tous les cas, il est important de se tourner vers les associations spécialisées qui sauront vous aiguiller pour agir sans vous mettre en danger.
Il est très fortement déconseillé de confronter l'employeur que l'on soupçonnerait d'être un exploiteur !

Pourquoi ce phénomène en marge des grands événements sportifs ?

Lors  des grands événements sportifs, l'afflux important de touristes et de représentations diplomatiques peut augmenter le risque que des familles employant des personnes dans des conditions indignes entrent en France avec ces dernières sans adapter leurs conditions de travail aux standards français.

Autre facteur pouvant mener à une augmentation des cas : la forte demande pour des locations de courte durée, via des plateformes de locations entre particuliers par exemple.
Des personnes déjà exploitées dans des domiciles ou recrutées spécialement pour cela peuvent alors être contraintes à s'occuper de l'entretien de ces locations, en plus du travail dans le domicile habituel des employeurs.

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