Coordination : Geneviève Colas - genevieve.colas@secours-catholique.org - 06 71 00 69 90

Lutter contre les violences sexuelles en ligne sur mineurs

En France et en Europe, les chiffres sur l’exploitation sexuelle des mineurs, les abus sexuels sur enfants et la pédo-criminalité augmentent de façon inquiétante ces dernières années. Face à ce constat, un plaidoyer est mené au niveau européen dans le but de faire adopter un règlement européen visant à lutter de manière plus efficace contre ces formes de criminalité sur Internet.

Quelques chiffres sur l’évolution récente de l’exploitation sexuelle des mineurs, des abus sexuels sur enfants et de la pédo-criminalité

  • 88 millions de photos et vidéos d'abus sexuels sur enfants reportés par des plateformes Internet dans le monde en 2022 (Source : NCMEC).
  • +78% d'URL qualifiées d'exploitation sexuelle de mineur signalées sur la plateforme française « Point de contact » entre 2020 et 2021.
  • 20 fois plus de contenus pédo-criminels rapportés entre 2014 et 2021.
  • 62% des contenus d’abus sexuels d’enfants dans le monde hébergés en Union Européenne.
  • La France est le troisième pays hébergeant le plus de matériels d’abus sexuels en ligne dans le monde (INHOPE, 2019)

Ces éléments montrent clairement l’urgence de la lutte contre ces formes de criminalités sur Internet, en particulier en France et en Europe.

Dans ce contexte, le Conseil de l'Union Européenne et le Parlement européen ont proposé en 2022 une nouvelle législation sous la forme d'un règlement. En voici les grandes lignes.

Harmoniser la législation en Europe

L’exploitation sexuelle des mineurs et la pédo-criminalité se développent beaucoup sur Internet. Un délit peut ainsi impliquer plusieurs pays. La lutte contre ces phénomènes nécessite donc une collaboration internationale de la part des autorités. Seulement, aujourd'hui en Europe, chaque pays possède une législation différente sur ces sujets, ce qui complexifie grandement la coopération internationale et le déroulement des enquêtes judiciaires.

C’est pourquoi le règlement proposé par le Conseil de l’Europe prévoit une harmonisation des législations nationales et une action coordonnée des pays de l'Union Européenne, notamment par la création d'un centre européen de prévention et de répression des abus sexuels commis contre des enfants.

Responsabiliser les plateformes Internet

Aujourd’hui, la détection et le signalement de contenus illégaux par les plateformes Internet ne sont pas obligatoires, et sont même impossibles sur les messageries privées cryptées de bout en bout (type whatsapp ou Signal). Seulement, celles-ci sont très utilisées par les cybercriminels. On estime que 2 tiers des contenus pédo-criminels sont échangés via ce type de plateforme et des réseaux tels que Instagram sont en passe de devenir chiffrés de bout en bout.

Le règlement propose l'obligation pour les plateformes Internet de détecter et signaler les contenus pédopornographiques et le grooming (sollicitation sexuelle d'enfants en ligne), y compris sur les services de messagerie cryptés de bout en bout.

Un texte contesté par les défenseurs des droits à la vie privée

Le règlement proposé par le Conseil de l’Union Européenne a fait l’objet de contestations de la part de différents opposants. La question de la détection de contenus illégaux sur les plateformes de messagerie privée cryptée de bout en bout est au cœur des débats. Les défenseurs des droits à la vie privée craignent que ces mesures ouvrent la porte à des abus de la part des autorités ou des plateformes, en particulier concernant la surveillance de masse.

Cette levée de boucliers a eu un retentissement sur le plaidoyer puisque plusieurs états membres, dont la France, au départ favorables à ce règlement, ont revus ensuite leur position.

Aujourd’hui, la majorité des pays membres se sont positionnés, mais la France continue de bloquer les négociations en ne prenant pas une position officielle et publique sur le Règlement.

Un équilibre à trouver entre protection de l’enfance et respect de la vie privée

Pour favoriser l’adoption du règlement par les états membres, il est nécessaire qu’il garantisse clairement et précisément :

  • Le respect des droits à la vie privée,
  • L’utilisation des technologies de détection de contenus illégaux à la seule fin d’identification de contenu pédo-criminel ou de risque de grooming.

En ce sens, le règlement prévoit déjà le contrôle des technologies de détection utilisées par les plateformes pour garantir leur conformité par rapport au droit.

Par ailleurs, des amendements peuvent être ajoutés pour encadrer encore plus étroitement l’utilisation de ces technologies.

Aujourd’hui, l’action de plaidoyer se poursuit pour faire avancer la législation européenne dans la direction de la protection de l’enfance.

L’objectif principal est de proposer une législation qui garantisse le respect des droits à la vie privée tout en permettant de détecter et signaler les contenus pédo-criminels et de prévenir les risques de grooming, y compris sur les messageries privées cryptées de bout en bout, qui sont les espaces numériques les plus concernés par ce type de criminalité.

ECPAT FRANCE

Membre du réseau international ECPAT (End Child prostitution, Child Pornography & trafficking of children for sexual purposes), ECPAT France est une association française créée en  1997.

Elle a pour mission de prévenir et de lutter contre toutes les formes de violence et d’exploitation sexuelle des enfants, y compris la traite, en ligne et hors ligne. 

Ecpat France développe des projets en France et à l’international pour prévenir, protéger et réparer les droits des mineurs et les jeunes victimes. Elle porte une attention particulière à la participation et à la prise en compte des vues des enfants dans le développement et la conduite de ces projets.


Article réalisé avec Guillemette VUILLARD, Responsable de programmes à ECPAT France