Geneviève Colas est responsable du département Europe du Secours Catholique Caritas France
Quel est l’engagement du Secours Catholique dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains ?
Le Secours Catholique a tout d’abord une action sur le terrain, en appuyant un certain nombre de projets dans différents pays, en particulier d’Europe sur la question de la traite des femmes comme en Roumanie, en Ukraine, au Kosovo ou encore en Albanie. Cet appui se fait dans quatre domaines : la prévention, l’assistance aux victimes, l’échange d’expériences entre pays en vue d’actions de plaidoyer au niveau local mais aussi au niveau international, et enfin, le travail en réseau car une lutte efficace ne peut se faire de façon isolée.
Justement, quelles sont les actions de plaidoyer auxquelles vous participez ou que vous initiez actuellement ?
Grâce au travail en réseau, déjà au niveau européen, nous avions commencé à travailler sur la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains du Conseil de l’Europe. Nous l’avons étudié, du point de vue de ses avantages, mais aussi de ses limites. Ce travail a permis d’initier chacun dans notre propre pays des actions de plaidoyer sur le sujet de la traite. Au niveau de la France, nous avons crée un collectif d’associations, qui s’appelle « Ensemble contre la traite des êtres humains ». Ce collectif mène des démarches auprès des parlementaires, auprès des ministères concernés, dans un premier temps, pour que la Convention du Conseil de l’Europe soit ratifiée par la France -car ce n’est toujours pas le cas- ; mais aussi pour que, par exemple, un groupe d’experts soit mis en place pour assurer le suivi de cette Convention lorsqu’elle sera mise en œuvre et puisse fournir des statistiques fiables. Un Observatoire au niveau européen permettrait, aussi bien sur le plan qualitatif
que quantitatif, d’avancer dans ce domaine de la lutte contre la traite des êtres humains.
Combien faut-il de ratifications pour que la Convention du Conseil de l’Europe entre en vigueur ?
Il en faut dix pour qu’elle soit mise en œuvre, nous en sommes à sept pour le moment, nous allons y arriver, mais les pays d’Europe de l’Ouest ne se bousculent pas pour la ratifier. Ce sont essentiellement des pays d’origine de
la traite qui ont déjà procédé à la ratification.
Concernant ce Collectif, y a-t-il des échéances importantes à venir ?
Une première date importante est la journée du 18 octobre prochain, première journée européenne de lutte contre la traite des êtres humains, qui donnera lieu à une mobilisation large de notre réseau, mais aussi de l’opinion
publique. Un autre moment clé sera la présidence française de l’Union Européenne au deuxième semestre de 2008. Dans cette optique, il faut que notre organisation et ses partenaires européens travaillent ensemble pour que la traite soit mise à l’agenda de cette présidence et que la société civile puisse, à cette occasion, délivrer son message et influer sur les politiques.
Quelles sont les différentes facettes de la traite des êtres humains, qui est souvent réduite dans l’opinion à la prostitution ?
Je crois que c’est un élément important de notre collectif, car au niveau européen, nous nous étions essentiellement concentrés sur la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Or, dans ce nouveau collectif, nous avons associé l’ensemble des dimensions de la traite des êtres humains. On a par exemple des associations qui travaillent sur la question de l’esclavage moderne et d’autres, avec leurs partenaires de terrain -comme nous avec les membres Caritas-, sur les travailleurs forcés au niveau des frontières ou encore la traite des enfants. On voit bien que nous étions partis d’un sujet au départ réduit essentiellement aux violences faites aux femmes, et qu’aujourd’hui nous abordons toutes les facettes de ce problème avec une vision plus mondiale des choses.
Pour vous, pour être efficace sur cette question, faut-il agir à la fois sur l’offre et la demande ?
Tout à fait. C’est aussi une approche qui est venue avec le temps, car au départ, on agissait surtout au niveau des victimes. Un travail important avait été fait avec Coatnet, un réseau d’associations chrétiennes européennes, pour voir comment mieux assister les victimes. Et, petit à petit, nous nous sommes rendus compte à quel point, si l’on voulait être efficace, il fallait travailler, du point de vue de l’offre, sur la prévention, donc sur les victimes potentielles, sur les personnes à risque. Maintenant, notre approche s’est encore élargie en direction des clients ou des personnes qui profitent de cette traite, c’est un défi supplémentaire dans notre travail.
Quelles sont pour vous les causes profondes de ce phénomène ?
La pauvreté économique et sociale est certainement l’une des causes majeures.
Il ne faut pas réduire cette question là à des considérations idéologiques ou morales. Par ailleurs, ce problème ne touche clairement pas un seul type de pays, c’est un phénomène mondial, d’où, encore une fois, le caractère essentiel du travail en réseau entre partenaires pour être efficace. Ce travail est une réelle force pour que chacun dans son pays puisse agir, développer des actions de plaidoyer et faire avancer les choses. Nous pouvons, au sein du réseau Caritas et avec aussi d’autres associations, s’apporter mutuellement un appui structurel pour progresser dans la lutte contre ce phénomène.