La prostitution des mineurs en France est un phénomène peu visible et mal connu. Pourtant, selon la loi, le proxénétisme de mineur est un crime grave qualifié de traite des êtres humains. Dans ce cas, la dimension coercitive de l’activité est implicite. Le Michetomètre, un outil de sensibilisation à destination des jeunes, a été créé pour lutter contre cette forme de traite et encourager les jeunes à s’engager dans un parcours de sortie.
Des adolescents niant leur propre réalité
Aujourd’hui, les adolescents en situation prostitutionnelle n’en n’ont pas forcément conscience. Pour ces jeunes, la prostitution se limite à la prostitution de rue et s’accompagne quasi systématiquement de prise de drogues, alors que dans la grande majorité des cas, les passes de ces mineurs se déroulent dans des hôtels et appartements et ne sont pas visibles. Bien qu’ils acceptent de fournir des prestations sexuelles contre de l’argent ou des cadeaux, ils préfèrent utiliser des termes plus légers et moins dévalorisants pour qualifier leurs actes, comme l’escorting ou le michetonage. Par ailleurs, dans leur esprit, le don de cadeau en échange d’acte sexuel n’est pas de la prostitution et une fellation n’est pas un rapport sexuel…
Toutes ces idées reçues font qu’ils ne se sentent pas concernés par la prostitution telle qu’ils la conçoivent.
Des jeunes ne mesurant pas les risques de leur conduite
Ils ne se considèrent pas non plus victimes car ils ont le sentiment d’agir en pleine capacité de leurs moyens, de jouir d’une certaine liberté, et d’être en capacité de prendre les bonnes décisions ou de se défendre.
Ils n’ont absolument pas le sentiment de courir un risque quelconque lié à leur activité de prostitution.
Un outil pour aborder la prostitution avec les jeunes
De ce fait, aborder le sujet de la prostitution avec ces jeunes est complexe pour les professionnels. Le terme leur semble trop lourd par rapport à l’idée qu’ils se font de leurs activités.
Le michetomètre, en utilisant des termes simples utilisés par les adolescents, permet d’aborder la question de façon plus légère et appropriée. Il a pour but de faire prendre conscience aux jeunes de la portée de leurs activités prostitutionnelles et des risques qu’ils encourent.
Il permet ainsi aux professionnels d’engager la discussion et les aide à convaincre les jeunes de s’engager vers un parcours de sortie.
Le Michetomètre : un outil de sensibilisation adressé aux adolescents
Le contenu de cet outil a été élaboré à partir de l’expérience avec les jeunes en concertation avec une éducatrice et sociologue, une sexologue et une employée de l’Aide Sociale à l’Enfance. Elles sont intervenues dans les choix de formulation afin de présenter un support qui corresponde aux représentations des jeunes tout en leur donnant des informations pertinentes.
Sans transiger sur les informations à délivrer, ni se positionner en moraliste, le michetomètre donne des repères en terme éthique en utilisant le langage des jeunes afin qu’ils se sentent concernés par le contenu.
Un volet est dédié à des définitions pour éviter les incompréhensions au niveau des termes utilisés et leur redonner leur véritable sens.
Un baromètre de la relation sexuelle présente les aspects positifs de la sexualité, mais aussi les dangers et les risques d’une activité prostitutionnelle. Il va de la relation « libre et respectueuse » au proxénétisme en passant par la prostitution. Il montre comment une relation « déséquilibrée » peut glisser graduellement vers la prostitution.
Enfin, un annuaire regroupe les services auxquels les jeunes ont accès afin qu’ils sachent vers qui se tourner s’ils ont besoin de protection ou d’information par rapport à leur situation : sexualité, prostitution, harcèlement…
Diffusion du Michetomètre
Pour l’instant, l’outil est en phase de test auprès de partenaires pour voir s’il y a certaines adaptations à prévoir.
Il sera ensuite mis à disposition dans tous les endroits fréquentés par des jeunes (écoles, centre de planification, maisons d’ados…) pour qu’ils puissent discrètement prendre l’outil s’ils ont l’impression que le contenu les concerne. Le but est qu’il provoque chez eux une réflexion et le désir d’en parler à un adulte.
L’idée est aussi de le mettre à disposition des professionnels afin d’être utilisé dans la relation avec les adolescents.
Enfin, une diffusion sur les réseaux sociaux est prévue pour permettre aux adolescents de la partager spontanément entre eux et qu’il devienne ainsi un sujet de discussion.
Agir contre la Prostitution des Enfants (ACPE)
L’Association a été créée en 1986 pour sensibiliser, en France sur l’exploitation sexuelle des mineurs d’abord à l’étranger et aujourd’hui en France.
Ses missions sont essentiellement :
Des campagnes de communication
Des actions en justice
De l’aide aux victimes
Du lobbying
Des actions de formation
L'ACPE s'intéresse aujourd'hui, en particulier, aux adolescents français - particulièrement invisibles - qui adoptent des conduites prostitutionnelles et qui sont sous l’emprise de réseaux.
Article écrit en collaboration avec :
Arthur Melon, secrétaire général de l’ACPE
