Coordination : Geneviève Colas - genevieve.colas@secours-catholique.org - 06 71 00 69 90

25 ans de lutte contre l’esclavage moderne

Le combat contre la traite à des fins d’exploitation par le travail, des années 1990 à nos jours

Dans les années 1990, les mots « esclavage moderne » étaient tabous. Institutions, pouvoirs publics et société civile ignoraient l’existence du phénomène. Cependant, en France, les victimes, invisibles et murées dans le silence, existaient et avaient besoin d’aide.  Aucune subvention n’était attribuée à l’unique association investie dans le combat contre l’esclavage domestique, le CCEM, qui luttait à leur côté. Ses bénévoles les ont accompagnées tout en agissant pour faire connaître ce phénomène. L'association a choisi l’arme du procès pour combattre cette forme inconnue d’esclavage contemporain. À l’époque, aucune infraction ne correspondait à ce que subissaient les victimes. Dans les années 2000, l’esclavage contemporain et la traite des êtres humains ont peu à peu acquis une reconnaissance des pouvoirs publics et la lutte s’est organisée.

infographie frise

L’accompagnement des victimes

Après vingt cinq ans, le combat est toujours le même. Il faut identifier les victimes, leur donner la possibilité de s'exprimer, les assister sur les plans social, juridique et de la santé, les protéger, faire punir les coupables et faire connaitre le phénomène.

La prise en charge
Après un signalement, généralement effectué par un tiers, il est nécessaire de vérifier si la situation correspond bien à de l’exploitation aggravée par le travail. Puis la victime est contactée afin de savoir si elle souhaite être aidée. Si ces conditions sont réunies, l’accompagnement peut commencer. 

L’accompagnement social et psychologique
La prise en charge s’étale sur une période assez longue. La victime a besoin de se remettre  des traumatismes vécus. Très rapidement, il faut l'aider à trouver un hébergement, à s’occuper de sa santé physique et psychologique et à répondre à ses besoins élémentaires (se nourrir, s’habiller etc..). En parallèle, tout un dispositif d’insertion sociale et professionnelle est envisagé avec elle : cours de Français, sorties culturelles, activités de loisirs... Après plusieurs entretiens, il lui est proposé d’engager une procédure judiciaire. 

La procédure judiciaire
La reconnaissance par la justice de la situation de traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail est fondamentale pour la reconstruction de la victime. Elle lui permet par ailleurs d’être régularisée pour la durée du procès qui est souvent très  long (par expérience, de deux à plus  de dix ans). Il est nécessaire de faire preuve de persévérance et d’obstination pour mener ce combat à son terme.

La reconnaissance par la justice de la situation de traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail est fondamentale pour la reconstruction de la victime.

Rendre visible l’esclavage moderne

La formation des professionnels
Rendre visible l’invisible passe par la formation des professionnels potentiellement en contact avec des victimes  (travailleurs sociaux, personnel médical, magistrats, associations). Son but : les aider à identifier et à orienter les victimes.

Leur mobilisation en est un levier essentiel pour lutter contre le phénomène.

La sensibilisation du grand public 
L’esclavage moderne prend de multiples formes et concerne tout le monde. La sensibilisation est nécessaire pour mobiliser l’opinion publique sur le sujet et favoriser les signalements. 

Exemple de campagne nationale d’affichage

affiche

Exemple de l’exposition photo présentant les lieux d’esclavage domestique accompagnée d’un livret racontant les histoires des victimes anonymisées.

expo

Le long combat de Maya.

« Maya arrive en France à 13 ans dans les années 2000. On lui a promis la scolarité et un avenir professionnel. En réalité, elle ne fréquentera jamais les bancs de l’école. Ses exploiteurs lui assignent les charges ménagères de toute la famille. Elle doit en plus s’occuper des enfants et des petits cousins. 

Les voisins s’étant rendu compte de sa situation d’exploitation avertissent la police. Cette dernière se déplace deux fois sur les lieux sans rien trouver d’anormal. Les exploiteurs, tout de même inquiétés par la venue des agents, inscrivent Maya à un cours de français le soir. C’est là qu’elle commence à raconter son histoire et un de ses interlocuteurs nous prévient de la situation de Maya. 

Nous la rencontrons en 2006. Nous l’aidons à déposer plainte. Au départ, celle-ci fait l’objet d’un non-lieu. Nous suivons ensuite avec elle huit ans de procédure sans succès, puis nous l’assistons dans son pourvoi en cassation. Le non-lieu est cassé par la Cour de Cassation et l’affaire renvoyée devant la Cour d’Appel de Paris, qui ne suit pas entièrement l’arrêt rendu par la Cour de Cassation. Nous l’accompagnons dans un deuxième pourvoi devant la Cour de Cassation qui confirme sa position.

Enfin, une troisième Cour d’Appel, celle d’Orléans,  renvoie l’affaire pour esclavage domestique sur mineur devant le tribunal de Nanterre. Les exploiteurs ne s’étant pas présentés devant le juge lors de l’audience en septembre 2017, l’affaire est renvoyée en 2018. 
Enfin, le tribunal correctionnel rend son jugement le 19 février 2018. Les exploiteurs font appel du jugement et nous attendons donc de nouveau un procès en octobre 2019. 

Il a donc fallu treize ans de procédure pour en arriver là ! Il s’agit d’un cas extrême mais il est révélateur du temps de la justice. Pendant toutes ces années, Maya a reconstruit sa vie. Elle s’est mariée et a eu des enfants. »

Le Comité Contre l’Esclavage Moderne

Depuis vingt cinq ans, il dénonce toutes les formes d’esclavage contemporain partout dans le monde. Il prend en charge en France les victimes de travail esclave, et de traite à des fins économiques.


Article rédigé avec Sylvie O'Dy - présidente du CCEM