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Qualification de traite dans une affaire d’exploitation sexuelle en LiveStreaming

Fin octobre dernier, un ancien graphiste français a été condamné dans une affaire d’exploitation sexuelle en LiveStreaming devant la cour d’assises de Paris. Les faits se sont déroulés entre 2012 et 2021. Ils révèlent une réelle organisation criminelle orchestrant l’exploitation sexuelle de victimes mineures.

Le mis en cause commanditait des agressions sexuelles et des viols sur mineures depuis la France à des mères qui exécutaient les actes sur leurs enfants derrière une caméra aux Philippines, le tout retransmis en live au commanditaire via une plateforme vidéo.

En amont, l’auteur et les mères entraient en contact directement sur des plateformes Internet ou étaient mis en relation par des intermédiaires.

Dans cette affaire, les faits montrent clairement l’organisation criminelle de l’exploitation sexuelle des mineurs, orchestrée à la demande  d’ individus occidentaux qui profitent de la précarité des familles pour arriver à leurs fins.

Cette affaire est loin d’être un cas isolé. Au contraire, le phénomène d’exploitation sexuelle en LiveStreaming est en pleine expansion. Et il s’avère difficile à freiner en raison de l’absence de responsabilité des plateformes Internet vis-à-vis des contenus diffusés, ce qui limite leurs obligations à agir de manière proactive pour prévenir et détecter les contenus illégaux.  

L’enquête quant à elle a été déclenché en raison de transferts internationaux suspects depuis la France aux Philippines repérés par Europol. L’agence européenne a fait un signalement à l’Office Central de Répression des Violences faites aux Personnes qui a ensuite révélé ce réseau de traite et de violences faites aux enfants.

L’auteur a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle avec une période de sureté des 2 tiers pour des faits de :

  • complicité de viols et d’agression sexuelle sur mineurs en récidive avec une circonstance aggravante de torture et acte de barbarie
  • complicité de traite des êtres humains
  • détention d’images à caractère pédopornographiques.

Une qualification de traite qui marque un tournant dans la lutte contre l’exploitation en LiveStreaming

Dans ce procès, la qualification de traite acte la reconnaissance de la présence d’un réseau qui organise l’exploitation sexuelle des enfants. C’est une première en France dans une affaire de livestreaming. En général, seules les qualifications de complicité de viol ou d’agression sont retenus.

Cette qualification de traite révèle une prise de conscience de la gravité des faits et de l’existence de ce type d’organisation criminelle internationale exploitant des victimes en LiveStreaming.

La coopération internationale, seule voie possible pour freiner ce phénomène de traite et venir en aide aux victimes

A ce stade, seul l’auteur français a été poursuivi et condamné en France. Les autorités Philippines n’ont pas donné suite à la commission rogatoire internationale. Cette dernière, qui constituait une demande formelle d’entraide judiciaire émise par le magistrat instructeur, a finalement été abandonnée.
Au final, aucune victime dans cette affaire n’a été identifiée et il demeure incertain si des actions ont été entreprises aux Philippines pour démanteler le réseau potentiellement toujours actif.

Sans coopération internationale effective, il est extrêmement difficile de mettre fin à cette forme d’exploitation et de venir en aide aux victimes. Celle-ci doit permettre la poursuite des réseaux à l’étranger et l’identification des victimes en vue de leur protection et de leur mise à l’abri.

Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de continuer à plaider pour la mise en place d’une coopération internationale effective dans ce type d’affaire, en s’appuyant sur ce procès et en révélant l’organisation internationale de la traite en LiveStreaming.

Le rôle de la Voix de l'Enfant dans ce procès

Face à l'absence d'une représentation directe des enfants lors de ce procès, La Voix De l’Enfant a pris la décision de se constituer partie civile à l’audience. Cette démarche vise à porter la voix des jeunes victimes non identifiées, souvent négligées dans des contextes internationaux d’exploitation.

En défendant les intérêts de ces enfants, La Voix De l’Enfant a tenu à montrer sa détermination à ce que justice soit rendue pour chacune des victimes, visibles ou non, et ainsi réaffirmer l’importance de la lutte contre la pédocriminalité transnationale et la traite des enfants.

Avec ses partenaires présents sur le terrain, La Voix De l’Enfant poursuit, à l’issue du procès, des actions pour tenter de localiser ces enfants et d’engager des actions afin de faire valoir leurs droits et obtenir réparation de leur préjudice.

 

La Voix de l’enfant

Fédération de 80 associations dans 80 pays environ, dont l’objet est la défense des enfants en détresse.
A l’international, les associations œuvrent pour la scolarisation et l’état civil des enfants.

En France, La Voix de l’enfant mène un plaidoyer sur les droits de l’enfant et se constitue partie civile pour les enfants victimes de violence, de traite des êtres humains.

L’association a également créé des unités d’accueil pédiatrique destinées aux enfants en danger dans les hôpitaux français. Ce sont des espaces encadrés par une équipe médicale et sociale où les victimes mineures peuvent être auditionnées par des gendarmes ou policiers.


Article écrit en collaboration avec Sabrina Himeur, juriste et membre du service juridique de la voix de l’enfant.