Les victimes de traite ont souvent été trahies à plusieurs reprises dans leurs parcours de vie. Parfois par des membres de leur famille, d’autres fois par des connaissances, des passeurs ou des exploiteurs, qui leur ont fait de fausses promesses d’avenir ou ont prétendu vouloir leur venir en aide pour ensuite les utiliser à leurs fins ou les exploiter.
Au regard de leur vécu, avant d’imaginer porter secours aux victimes de traite, il est nécessaire d’avoir au préalable créé un lien gratuit et désintéressé avec elles.
Ce dernier est indispensable pour établir une nouvelle relation de confiance avec la personne, à partir de laquelle elle pourra choisir librement d’être accompagnée ou non pour sortir de sa situation d’exploitation.
L’investissement des bénévoles dans les maraudes
Les maraudes jouent un rôle extrêmement important dans la création de ce lien. Elles sont effectuées par des bénévoles, qui s’engagent gratuitement pour aller à la rencontre des victimes les mains nues, sans proposition d’aide ou d’accompagnement.
Le but est dans un premier temps d’établir une relation amicale avec les personnes rencontrées, d’égal à égal et désintéressée de part et d’autre, sans la conditionner par de l’assistanat.
L’instauration de ce lien de confiance demande du temps. Elle implique que les bénévoles s’engagent dans les tournées sur la durée, et assurent une présence régulière auprès des personnes.
Considérer la personne dans son intégralité
A travers ce lien gratuit, d’échange et de partage, les bénévoles portent avant tout un regard humain sur les personnes rencontrées, les considérant dans leur intégralité, au-delà de leur statut de victime.
Dans cette relation, elles redeviennent des individus libres, capables de choisir leur avenir, et digne d’intérêt.
En considérant la personne dans toutes ses dimensions - affectives, intellectuelles, physiques, émotionnelles - les bénévoles partagent avant tout des temps de vie avec les victimes. Au sein de cette relation, les témoignages d’expériences, mais aussi les échanges intellectuels, artistiques, ou spirituels ont toute leur place.
Ce n’est qu’à l’intérieur de ce lien humain, gratuit et de confiance que seront ensuite proposés des soins ou une aide sociale, administrative ou juridique à la victime. Celle-ci pourra d’autant mieux adhérer à la démarche d’accompagnement si elle s’est sentie considérée et libre au préalable.
Aux Captifs, la Libération
L’association Aux Captifs, la Libération est née en 1981 pour aller vers les personnes à la rue en situation de précarité à l’intérieur de Paris, aux Bois de Boulogne et Bois de Vincennes ; avec aujourd’hui 25 maraudes hebdomadaires à destination des personnes en situation de rue ou/et d’exploitation sexuelle ou de prostitution, parfois victimes de traite des êtres humains.
Elle a aussi des équipes bénévoles à Bordeaux, Lyon et Nîmes.
Le cœur de sa mission est d’aller à la rencontre des personnes sur leur lieu de vie et ou d’exploitation. L’idée est d’aider chacun et chacune à construire un projet de vie, pouvant aller jusqu’à la sortie de la prostitution.
Les équipes de bénévoles et de salariés ont développé une expertise dans la rencontre, l’identification, l’accueil et l’accompagnement des personnes.
L’association propose également des permanences d’accueil et un accompagnement global à travers accompagnement social, accès au soin et au droit grâce à un maillage associatif adapté.
Les propositions de l’association visent à favoriser la liberté de choix des personnes dans leurs parcours. L'association déploie des activités de mobilisation /dynamisation ainsi que des séjours de rupture, comme autant de leviers de reconstruction vers une capacité à exercer sa liberté voire une insertion.
L’identification spécifique des victimes de traite aux fins d’exploitation sexuelle, mineures et majeures, est une des priorités de l’association ; tout comme la sensibilisation des pouvoirs publics et de la société aux problématiques liées à la traite des êtres humains.
L’association est agréée depuis trois ans par l’Etat pour accompagner des parcours de sortie de prostitution et de traite à des fins d’exploitation sexuelle.
Article écrit en collaboration avec Gilles Badin, directeur opérationnel à Aux captifs la libération, en charge du pôle prostitution, exploitation sexuelle et traite des êtres humains.