Ayant déjà contribué lors de précédentes phases de suivi de la mise en œuvre en France de la Convention Internationale des droits de l’Enfant[1], le Collectif “Ensemble contre la traite des êtres humains”, en complément aux autres rapports officiel et alternatifs a choisi de mettre l’accent sur des questions peu en évidence dans le rapport de la France ou présentant une certaine actualité au regard de la Convention internationale des droits de l’enfant et des protocoles qui lui sont liés.
Des enfants victimes, ou potentielles victimes de traite des êtres humains, ou enfants de personnes victimes de traite parfois bébés, sont exploités ou en danger de l’être.
Ces mineurs ont droit à la reconnaissance pleine et entière et à l’exercice de tous les droits de l’enfant inscrits dans la Convention internationale des droits de l’enfant entrée en vigueur en France le 6 septembre 1990. Ils doivent avoir accès au droit commun.
Les rétablir dans leurs droits fondamentaux est la meilleure manière de faire échec aux réseaux criminels ou aux individus qui les exploitent, tarissant ainsi les profits qu’ils en retirent ; cela permet aussi de réduire la vulnérabilité de ces jeunes face aux risques de traite des êtres humains ou de revictimisation. Enfin cela les aide à se reconstruire et à obtenir réparation des graves préjudices qu’ils ont subis.
La lutte contre la traite des mineurs doit passer par la protection et l’accompagnement des enfants et la réparation ; tout ceci sans discrimination.
La France est devenue en 2022 “pays pionnier dans le cadre de l’Alliance 8.7, un partenariat mondial engagé à atteindre la cible 8.7 des objectifs de développement durable à l’horizon 2030 établis par les Etats membres des Nations Unies. Mais la mise en oeuvre effective des mesures prévues dans le cadre de la Stratégie nationale d’accélération pour éliminer le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et l’esclavage contemporain tarde à se concrétiser dans certains domaines.
Les questions liées à l’exploitation et la traite des enfants ont été peu prises en compte dans les précédents rapports de suivi de la mise en oeuvre de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant en France.
Pourtant le sujet est aujourd’hui préoccupant qu’il s’agisse de nouvelles formes de traite se développant sur internet et les réseaux sociaux, une traite davantage cachée suite aux confinements de la crise Covid ; la conscience du risque de traite des mineurs mis en exergue par les conséquences de la guerre en Ukraine et des évolutions actuelles dans les différentes formes de traite ou les méthodes d’exploitation :
- Utilisation de drogues pour avoir une emprise plus forte sur des enfants parfois très jeunes et développement de la traite à des fins de commettre des délits,
- Développement de plateformes et ubérisation qui rend facile l’utilisation de mineurs exploités au travail dans la restauration, les livraisons, le ménage et des services à la personne ;
- Une exploitation des mineurs de plus en plus jeunes ;
- L’utilisation de sextorsion grâce aux réseaux sociaux.
Concernant la lutte contre les discriminations
La non-discrimination de certains enfants à risque d'exploitation demande de plus en plus une attention particulière ; en effet, certains enfants (en famille ou mineurs non accompagnés) sont moins bien pris en compte parce que confiés à l’Aide Sociale à l’enfance, ASE, ou à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, PJJ: cela doit changer. La France a montré qu'elle était capable de mettre en œuvre une protection de l'enfance améliorée pour les enfants de nationalité ukrainienne.
Il est attendu des démarches et des moyens similaires pour tous les enfants, quel que soit le pays d'origine, le sexe, la vulnérabilité (et en particulier la situation de handicap).
Concernant l'entière protection des enfants
Ces mineurs doivent sur l’ensemble du territoire relevant de la République française être toujours considérés comme victimes ou survivants, et non comme « délinquants » ou « migrants irréguliers » ; la présomption de minorité doit, en cas de doute, leur être automatiquement accordée ; et la transition vers la majorité préparée et accompagnée au-delà de 18 ans ; la collaboration au niveau international est aussi une nécessité.
Ces mineurs doivent recevoir systématiquement le soutien d’un administrateur ad hoc, s’ils sont isolés ou en danger dans leur famille et l’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours être pris en compte dans les démarches réalisées.
Concernant leur accompagnement
La coordination étroite et constante entre les services publics et les associations travaillant auprès de ces mineurs victimes ou potentielles victimes est impérative. Elle doit leur offrir les conditions d’accès aux droits fondamentaux leur assurant :
- la santé,
- un hébergement sécurisant,
- une éducation adaptée,
- une formation,
- l’aide à la reconstitution de leurs documents d’état civil si nécessaire,
- l’accès aux services bancaires qui est un préalable à de nombreux droits (pour obtenir un stage en alternance rémunéré dès 16 ans, et dès 18 ans pour les remboursements de soin ou pour recevoir une allocation…),
- des conditions de vie décentes…
- sans oublier l’accès à la culture et aux loisirs.
Cela suppose un engagement clair de l’Etat par des financements pérennes, une concertation et une mutualisation constante des approches et des moyens d’accès aux droits avec le réseau des associations spécialisées.
Concernant la réparation
Dans le suivi de ces jeunes, les instances publiques doivent intégrer la notion de long terme sur tous les plans (justice, formation, conditions de vie).
Elles doivent particulièrement veiller à ce que le passage à la majorité ne casse pas ce processus de réparation et s’intègre à la reconstruction du jeune.
SOMMAIRE
POUR UN ACCES DE TOUS LES ENFANTS AUX DROITS COMMUNS
1 - Les addictions des jeunes et l’inadaptation des dispositifs de soin pour les mineurs
2 - La question du principe de non-sanction des mineurs victimes de traite
3 - La traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle ou de prostitution de mineurs
3.1 Définition de l'exploitation sexuelle des enfants dans le contexte de la prostitution et de la « vente d'enfants » dans le droit pénal (dans le code pénal).
3.2 Protection de l’enfant. Lutte contre l’exploitation sexuelle, la prostitution enfantine.
3.3 - Protection de l’enfant. Lutte contre l’exposition à la pornographie sur internet et les réseaux sociaux
3.4 - Les sites publiant des annonces favorisant la traite des êtres humains
3.5 - Accès à un soutien psychologique, médical et social
3.6 - L’éducation à la vie relationnelle, sexuelle et affective
4 - Le dispositif expérimental visant à protéger les mineurs victimes de traite des êtres humains, de 2016
5 - Création d’une structure spécialisée pour l’accueil de mineurs et jeunes victimes de traite des êtres humains
6 - Intégrer la traite des êtres humains dans les programmes de formation des professionnels
7 - Les mineurs en situation d’exploitation au travail
8 - Les conditions de vie psychique des mineurs victimes de traite des êtres humains
9 - L'hébergement
9.1 - L’hébergement d’urgence pendant des premiers jours de la vie
9.2 - L’hébergement des mineurs non accompagnés à risque ou victimes de traite
10 – Difficultés d’accès aux services bancaires pour les mineurs non accompagnés ou les mineurs relevant de l’Aide Sociale à l’Enfance
11 - Responsabilité des personnes morales des entreprises vis à vis des enfants, notamment dans le secteur du tourisme
12- Exploitation et traite d’enfants handicapés
13 – Gestation pour autrui et traite des êtres humains dans le contexte de la guerre en Ukraine : un révélateur pour d’autres nationalités
[1] Voir le rapport de 2015
http://www.contrelatraite.org/sites/default/files/inline-files/38-Rapport_alternatif_sur_la_traite_des_enfants_en_France.pdf
et les observations complémentaires
http://www.contrelatraite.org/sites/default/files/inline-files/40-Observations_complementaires_du_Collectif.pdf
et les observations suite à l’audition de la France
http://www.contrelatraite.org/sites/default/files/inline-files/39-Observations_immediates_du_Collectif_suite_a_l_audition_de_la_France.pdf