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Agir en réseaux contre l’exploitation et la traite des êtres humains

A l’initiative de la maison Bakhita  et du Secours Catholique-Caritas France qui coordonne le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains », la soirée organisée le 12 février 2025 sur le thème « Agir en réseaux contre l’exploitation et la traite des êtres humains », a tenu toutes ses promesses. Cette soirée a constitué un moment pour croiser l’action de terrain et le plaidoyer de différentes associations.

Elle a réuni 70 participants aux profils très variés, émanant de la société civile (grand public, bénévoles, victimes d’exploitation, donateurs, associations spécialisées, …) ou d’institutions (Ministère de l’Egalité Hommes – Femmes, Miprof, Ministère du Travail, Mairie de Paris…), un avocat et une magistrate. 

Parmi les associations représentées à cette rencontre il y avait le Comité contre l'Esclavage moderne (CCEM), Aux Captifs la Libération, l'AFJ, Agir contre la prostitution des Enfants (ACPE), SOS Esclaves, le Secours Catholique-Caritas France, Hors la rue, la Mission d’Intervention et de Sensibilisation contre la Traite des êtres humains (MIST), la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), le Samu Social de Paris, le Groupe SOS,  Jesuit Refugee Service (JRS), la Délégation Catholique pour la Coopération (DCC), Habitat Cité, la Maison Bakhita, l’Association pour l’Accueil des Voyageurs (ASAV), l’Accueil Solidarité Saint Augustin, la Société Saint Vincent de Paul de Saint Etienne du Mont, les frères maristes, Notre Dame de Charité du Bon Pasteur et d’autres congrégations de religieuses, …

Nul doute que les témoignages et échanges nourris entre participants, et parfois les prises de conscience, sonnent comme une étape vers de futures entraides et collaborations élargies. 

L’enjeu est de taille. Bâtir une démarche par les droits en s’appuyant sur les personnes directement concernées. 

Quatre parties ont rythmé la soirée :

Quelle implication des personnes victimes ?

Des personnes victimes ont pris la parole pour éclairer les différentes formes de la traite des êtres humains : exploitation sexuelle, exploitation au travail, esclavage domestique, contrainte à commettre des délits, obligation à mendier, mariages forcés, trafic d’organes... 

En plénière et en petits groupes, des personnes victimes sont intervenues. 

  • Jeune fille au pair exploitée par sa famille d'accueil, 
  • migrant en situation d’esclavage chez un forain, 
  • jeune exploité par sa tante, jeune femme soumise à une exploitation sexuelle... 

Des situations qui se déroulent au XXI ème siècle, à Paris et plus largement en France. 

Certaines de ces personnes « survivantes » de la traite sont directement impliquées dans les associations comme membres des instances dirigeantes ou contribuant à la sensibilisation sur cette question.

A travers les présentations précédentes on a pu repérer ce que font des associations pour :

  • Observer sur le terrain pour identifier des victimes
  • Faire connaître les situations, sensibiliser le grand public
  • Soutenir l’action des associations. S’engager auprès des victimes
  • Former les professionnels (justice, police, éducation, santé, assistants sociaux…)
  • Repérer des dysfonctionnements au niveau local et national à faire remonter : les clignotants qui permettront d’asseoir notre action sur les institutions pour des actions de plaidoyer efficaces
  • Agir sur les institutions aux niveaux local, national, européen, et international.

Les enjeux de la lutte contre la traite aujourd’hui

Cette table ronde a été suivie d’un débat permettant de repérer les évolutions de la traite ces dernières années et les défis actuels : 

  • l’exploitation sexuelle « logée » depuis le covid, 
  • l’utilisation d’internet et des plate-formes pour recruter les victimes, 
  • l’emprise médicamenteuse… 

La question de la diversité des publics rencontrés par les associations a aussi été abordée : femmes, hommes, personnes trans, personnes à la rue parfois dans la rue, enfants, dont des bébés ou encore des mineurs non accompagnés... 

La nécessité d’un accompagnement multiforme des victimes (dans différents domaines : social, santé, hébergement puis logement, éducation, emploi, juridique) est apparue évidente de même que celle de la formation de toute personne en contact avec des victimes potentielles (y compris médecins, police, justice, éducation, social…).

Un autre point abordé a été celui de la protection des victimes essentielle pour témoigner en justice et permettre d’arrêter les exploiteurs. Et le fait d’accompagner des personnes dans des procédures qui durent parfois plus de 10 ans avant d’obtenir ou non réparation.

Comment agir ?

Un temps fort de la soirée a été le partage en petits groupes, qui invitait chacun à dire 

Qu'est ce que je peux faire pour changer les choses ?. 

La restitution a permis de rappeler que la première chose à faire est de renforcer la communication autour de ce sujet mal connus du grand public pour faire tomber les idées reçues et rendre visible ce fléau caché. Informer et former les enseignants, les forces de l'ordre, le grand public...  

Un des aspects importants mis en commun après ces échanges en groupe concernait la difficulté pour une victime de se reconnaître victime, première étape pour un accompagnement efficace permettant de sortir de cette situation de victime. Par ailleurs l’importance de la formation des personnes impliquées auprès des victimes a été rappelée.

Le travail des associations avec les familles et l’entourage des personnes, en particulier lorsque les victimes d’exploitation sont des enfants mais aussi pour accompagner des enfants de personnes victimes, a été repéré comme essentiel.

Et maintenant, avec quoi partons-nous ?

Les témoignages inoubliables (« c’était très dur », « je ne savais pas que j’étais exploité », « je remercie l’association d’avoir permis de me sortir de l’exploitation et de me faire grandir en me donnant des responsabilités », …). 

Une Présence des personnes les premières concernées apportant leur expérience et leur ressenti.

Les prises de conscience, qui appartiennent principalement à chacun, mais dont certaines ont été partagées (« je n’oublierai jamais au cours de mon orientation professionnelle » ; « nous avons besoin de mieux accompagner le public adulte », …).

La conviction de l’importance d’impliquer les personnes victimes dans la construction des politiques qui les concernent et d’amplifier le travail en réseaux associant société civile et institutions, aux niveaux local, national et international. 

Le dernier temps de convivialité autour d’un verre a permis à chacun et chacune d’envisager des actions concrètes, à partir des mises en relation ciblées selon les besoins des différents acteurs.

La MIPROF a rappelé le 3ème Plan national de lutte contre la traite des êtres humains qui invite à des collaborations entre associations et institutions.

Les outils qui ont été remis (livrets, affiches, …) ou présentés (ex : le site du collectif « Contre la Traite » ; les vidéos de sensibilisation  ; et le module e-learning « Agir contre l’exploitation »). 

Référence a été faite aussi aux Avis de la CNCDH sur la traite à des fins d’exploitation sexuelle, d’exploitation au travail, de contrainte à commettre des délits, sur le plan national de lutte contre la traite ou encore le mécanisme national d’identification et d’orientation des victimes ; autant de documents clés pour notre plaidoyer.

L’importance du repérage et de l’identification des victimes et pour cela rendre visible l’invisible et faire connaître largement à tout public les différentes formes d’exploitation. 

La complexité du problème nécessite une vraie connaissance et une collaboration entre tous les acteurs pour le succès du processus et du suivi à toutes les étapes.

Nous tenons particulièrement à remercier chacune des personnes ayant contribué à ces échanges qui ont montré la complémentarité des actions entreprises par les acteurs privés et publics.

Geneviève COLAS,
Coordinatrice du Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains »