La grande majorité des victimes de traite par le travail sont hébergées par leur exploiteur, globalement dans des conditions indignes. A leur sortie d’exploitation, la question de l’hébergement est donc cruciale pour ces personnes.
Mais aujourd’hui, en France, les solutions d’accueil adaptées à ces situations sont largement insuffisantes au regard du nombre de demandes de prise en charge.
De nombreuses victimes se retrouvent alors en situation de rue, exposées au risque de ré-exploitation. Livrées à elles-mêmes après avoir vécu les traumatismes de l’exploitation, il leur est très difficile de se reconstruire et d’envisager un parcours d’insertion sociale.
Le rôle de l’hébergement dans la traite
Que ce soit dans l’agriculture, le bâtiment, les services, la servitude domestique, l’hébergement fait partie de l’exploitation dans la traite par le travail. La promesse d’un logement contre services rendus est un des leviers utilisés par les exploiteurs pour recruter les victimes. Selon les cas, les victimes sont hébergées dans des locaux collectifs insalubres, sans aucun respect des normes sanitaires ou d’hygiène, ou au domicile de l’exploiteur, dans des conditions indignes.
En plus d’augmenter la dépendance des travailleurs vis-à-vis de l’exploiteur, l’hébergement sur le lieu d’exploitation est aussi utilisé par les exploiteurs comme moyen d'emprise et pour isoler totalement les victimes du monde extérieur.
A la sortie d’exploitation, les victimes de traite à des fins d’exploitation par le travail ont donc besoin d’un hébergement immédiat et d’un accompagnement spécifique pour leur permettre de se reconstruire et accéder à leurs droits avant d’envisager un parcours d’insertion.
Seulement, en raison du manque de dispositif d’accueil adapté en France, la majorité de ces victimes se retrouvent en situation de rue sans possibilité de reconstruire leur vie.
Des dispositions encourageantes mais insuffisantes dans le second plan national de lutte contre la traite
Les moyens insuffisants accordés au dispositif Ac.Sé
Le second plan national prévoit des mesures concernant le dispositif Ac.Sé. Celui-ci a fait preuve de sa grande efficacité, notamment dans la mise à l’abri sécurisé des victimes. Mais il est largement insuffisant au regard du nombre de demandes de prise en charge. Par ailleurs, l’éloignement géographique des victimes n’est pas toujours pertinent. Lorsqu’il n’y a pas de réseau criminel impliqué dans l’exploitation, il est parfois préférable d’héberger les victimes à proximité des associations qui vont pouvoir les accompagner. Dans ce cas, la solution d'éloignement n’est pas adaptée.
Des solutions réservées aux demandeurs d’asile
Le plan national prévoit également des dispositifs spécifiques destinés aux demandeurs d’asile. Mais ceux-ci sont souvent saturés. Et cette mesure exclut les victimes qui ne sont pas demandeuses d’asile, dont les personnes de nationalité française ou étrangères en attente d’un titre de séjour.
Une orientation inadaptée aux situations des victimes
Enfin, le plan national encourage à orienter les victimes vers les dispositifs de droit commun. Mais la grande majorité des victimes de traite n’ont pas l’autonomie suffisante à leur sortie d’exploitation pour accéder à ces solutions, qui se révèlent par ailleurs inadaptées à leur besoin de prise en charge globale.
Un investissement nécessaire des pouvoirs publics
Aujourd’hui, en France, les structures d’accueil spécifiques pour les victimes d’exploitation par le travail sont des initiatives de la société civile financées en grande majorité par des organisations privées (fondations, autres associations). De ce fait, les associations sont constamment en recherche de financements pour assurer la meilleure prise en charge possible des victimes.
Dans ce contexte incertain, il est très difficile de développer des solutions sur le long terme pour protéger et accompagner les victimes ainsi que d’augmenter durablement les capacités d’accueil des structures.
Les pouvoirs publics doivent prévoir des budgets dédiés aux associations spécialisées dans l’hébergement et l’accompagnement des victimes de traite à des fins d’exploitation par le travail.
Cela permettrait de développer et pérenniser les dispositifs d’accueil et d’augmenter leurs capacités pour répondre au besoin important de mise à l'abri et d'accompagnement des victimes à leur sortie d'exploitation et ainsi d'assurer une vraie protection des victimes.
Le Comité Contre l’Esclavage Moderne- CCEM
Depuis 1994, le CCEM dénonce toutes les formes d’esclavage contemporain partout dans le monde.
Il assure un accompagnement social et juridique des victimes de travail esclave, et de traite à des fins économiques.
Fort de cette expertise, le CCEM forme et sensibilise les professionnels et le grand public et participe aux instances nationales et européennes pour améliorer les pratiques et la mise en application des lois et des politiques contre la traite.
En 25 ans, le CCEM a accompagné plus de 850 victimes au niveau national.
Le CCEM est membre du Collectif "Ensemble contre la Traite des êtres humains".
Article écrit en collaboration avec Mona CHAMASS SAUNIER, Directrice du CCEM