Pour la première fois, deux mineurs présumés victimes de traite contraints à commettre des délits ont participé à un séjour de rupture proposé par Hors la Rue. Cette pause récréative dans leur quotidien leur a fait prendre conscience de la possibilité d’une autre vie et a peut-être déclenché chez eux l’envie de sortir de leur situation d’exploitation.
Une expérience valorisante
Ils étaient 6 garçons dont 2 présumés victimes de traite, à partir en Corrèze, pour une immersion d’une semaine dans la nature, loin de la ville et de leur quotidien.
Encadrés par 3 éducateurs et une art-thérapeute, le séjour a été l’occasion d’initier les jeunes au land art et de leur proposer des ateliers « théâtre » riches et variés.
Pour ces enfants vivant sous pression permanente, ces exercices leur permettent d’expérimenter le lâcher prise et de se recentrer sur soi tout en se connectant aux autres. Ils découvrent alors leurs propres capacités à créer et s’investir dans un projet et développent ainsi leur confiance en soi. Ces activités sont d’excellents moyens de revaloriser ces jeunes.
Pour ces victimes d’exploitation vivant dans des conditions extrêmement précaires et dévalorisantes, ces expériences sont déterminantes pour les amener à faire le choix de s’extraire de leur situation afin d’opter pour une nouvelle vie.
La semaine a également été rythmée par d’autres activités ludiques : séances de musique, de danse, balade à vélo, patinoire, spéléologie ou encore atelier de graffitis.
Cette expérience collective, loin de leur quotidien, permet aux jeunes de vivre le temps de quelques jours une vraie vie d’enfant.
Ce séjour est également l’occasion de faire découvrir aux jeunes les types d’activités qui peuvent être proposées en centre de jour ou en foyer. Ce sont des éléments supplémentaires pour leur donner envie de prolonger la relation avec les éducateurs ou d’envisager l'avenir.
L’orientation vers un nouvel horizon
Concernant les 2 jeunes présumés victime de traite, le but était de profiter du séjour pour faire naitre chez eux l’envie de sortir de l’exploitation en se dirigeant vers des formations ou en choisissant d’être scolarisé. Pour eux, cela n’était pas une priorité.
A l’issue du séjour, l’un des 2 jeunes est revenu de lui-même au centre de jour, pourtant très éloigné de son lieu de vie, pour demander à être scolarisé. L’autre a exprimé son désir de s’engager dans une formation professionnelle.
Le fait de goûter au confort de la vie dans une maison, de s’investir dans des activités ludiques et artistiques, d’être en capacité de vivre en communauté et d’être éloigné de toute forme de pression de la part de leur communauté leur ont montré qu’une autre vie était envisageable.
Le soutien des parquets : le fruit d’une longue sensibilisation
Sans le soutien des parquets des mineurs des tribunaux de Paris et de Seine-Saint-Denis, ces deux jeunes n’auraient pas pu participer au séjour. Ils avaient besoin d’une ordonnance provisoire de placement qui a été délivrée par les parquets dans un temps extrêmement court. Cette réussite est le fruit de tout un travail de sensibilisation en amont auprès des parquets, des juges pour enfants et de l’Aide Sociale à l'Enfance, afin qu’ils prennent conscience du statut de victime de ces jeunes, alors qu’ils sont souvent appréhendés sous le prisme du délit et par l’entrée pénale.
Association Hors la Rue
Objectif
Depuis 2004 Hors la Rue a pour objectif d’accompagner les mineurs étrangers en danger vers le droit commun (parmi lesquels des mineurs présumés victimes de traite des êtres humains)
3 missions principales
Repérer les mineurs étrangers en danger,
Accompagner les jeunes vers le droit commun
Participer à une meilleure connaissance et prise en charge des problématiques des jeunes que nous accompagnons.
3 modalités d’actions
Des maraudes quotidiennes effectuées par une équipe pluridisciplinaire sur les lieux d’activité, de pause, d’errance et de vie
Un centre d’accueil de jour
Des permanences psychosociales en détention auprès de mineurs que nous avons déjà rencontrés en rue, en partenariat avec la PJJ.
Article écrit en collaboration avec Julie Jardin, chargée de mission de lutte contre la traite à Hors la rue