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La loi Asile et Immigration et la traite des êtres humains

La loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » dite « Asile et Immigration » promulguée le 10 septembre 2018, 2 ans à peine depuis la dernière loi de mars 2016, consacre une véritable chute des droits pour les personnes étrangères.

Ce texte instaure principalement des mesures renforcées de restrictions, de contrôles et de « tris », et vise à expulser plus rapidement et plus facilement du territoire français les personnes étrangères.

Pour une victime de traite qui n'a pas la nationalité française, c’est un cadre légal qui rend très difficile la possibilité de faire valoir ses droits, de bénéficier d’une protection et d’être accompagnée pour s'extraire de l'exploitation.

La loi Asile et Immigration et la traite des êtres humains

L'obtention de la carte de résident
La loi n’exclut désormais plus les victimes de la traite de la possibilité d’obtenir une carte de résident, un titre de séjour d’une durée de 10 ans. Seulement, les conditions pour obtenir cette carte, et notamment les critères liés aux ressources et la nécessité de séjourner depuis 5 ans en France en situation régulière en excluent la grande majorité des victimes. L’intérêt de cette nouvelle mesure est donc très limité.

La demande simultanée d'asile et de carte de séjour
Rien ne l'interdisait auparavant mais les préfectures étaient réticentes devant les doubles demandes. Cette possibilité est désormais inscrite dans la loi. En revanche, les deux requêtes doivent être simultanées sinon elles seront rejetées, sauf circonstance exceptionnelle. La préfecture doit informer les personnes demanderesses d'asile du droit de déposer une demande de titre de séjour pendant un délai à fixer par décret.

Or dans les situations liées à la traite des êtres humains, les demandes de régularisation sont souvent différées :

  • Les personnes concernées ne sont pas informées de cette possibilité
  • Les premières demandes d'asile sont parfois téléguidées par les exploitant.e.s
  • Il faut qu’elles aient déposé plainte ou témoigné dans une procédure pénale, ce qu’elles ne sont pas toujours prêtes à faire en arrivant sur le territoire. Et ce pour diverses raisons : crainte de la police, pression des exploiteurs, dispositions psychiques, manque d’information, impossibilité de déposer plainte pour de tels faits…

90 jours pour demander l’asile
Arrivées sur le territoire français, les personnes étrangères n’auront désormais que 90 jours pour effectuer leur demande d’asile. Passé ce délai, elles perdent le droit aux conditions matérielles d’accueil comme l’hébergement.

Les victimes de traite ont souvent besoin de temps pour s’extraire de l’emprise de l’exploiteur, entamer des démarches pour sortir de l’exploitation et régulariser leur situation. Ce délai est excluant pour la majorité d’entre-elles.

Le fichage des mineurs
Le décret du 30/01/2019 prévoit que, lorsque les mineurs étrangers demandent une protection à l’aide sociale, la porte d’entrée est obligatoirement la préfecture ou le commissariat. Seront alors effectuées des prises d’empreintes, une photographie et relevée une série de données personnelles qui seront conservées dans un fichier d’appui à l’évaluation de la minorité. Ce sera désormais un passage obligé pour bénéficier de l’aide sociale à l’enfance. De nombreux mineurs victimes de traite ne bénéficieront plus de notre protection car ils n’oseront pas se présenter à la police ou en préfecture pour plusieurs raisons :

  • Des expériences traumatisantes avec la police de par leur parcours migratoire (à l’étranger ou en France)
  • La peur des forces de l’ordre
  • Leur situation de délinquance forcée pour certains (mendicité forcée, incitation à commettre des délits)

Comment réagir face à ces mesures restrictives ?

Nos actions de plaidoyer
Notre but est de faire avancer et d’appliquer effectivement les droits des personnes étrangères victimes de traite. Cela passe par la rédaction de propositions d’amendements à destination des parlementaires, des auditions, de la communication au grand public. Nous pointons les limites de l’application de la loi Asile et Immigration pour les victimes de traite et proposons des textes qui nous semblent plus adaptés à leur situation.

Les contentieux
Suite aux refus de carte de séjour, nous tentons de faire valoir les droits des victimes devant le tribunal administratif ou encore la cour administrative d’appel. Le but est que les préfectures appliquent les textes existants , obtenir des décisions qui fassent jurisprudence dont nous pourrons nous servir dans d’autres situations. Il est aussi possible pour nos associations de faire des interventions volontaires devant les juridictions (Cour nationale du droit d’asile, Tribunaux, Conseil d’Etat)

Actions de formation
Dispensées aux professionnels en lien avec des victimes elles ont pour objet de décrypter la traite, de favoriser l’identification des victimes, de connaitre les textes appliqués aux personnes étrangères. Le but est aussi de donner aux acteurs la capacité d’informer les victimes sur leurs droits.

Le droit des étrangers évoluant constamment, ces actions sont essentielles dans la lutte contre la traite.

Le travail « Collectif »
Lorsque nous saisissons des entités comme l’ONU ou le Conseil de l’Europe, le fait de parler au nom de 28 associations a un impact fort sur les institutions. Nous avons plus de chances d’être entendus et pris en compte. 

A télécharger

La CIMADE

Association française de défense des droits des personnes étrangères. L’association est présente en centre de rétention, détention, travaille sur les questions de solidarités internationales. Elle propose des permanences juridiques pour accueillir et informer les personnes étrangères sur leurs droits. En parallèle, l’association mène des actions de sensibilisation et propose des cours de français langues étrangères.

Article écrit en collaboration avec Violaine Husson
Responsable des questions Genre et Protections à la Cimade