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Garder le lien avec des victimes d'exploitation sexuelle face a la crise du coronavirus

Se réorganiser pour répondre à l’urgence des besoins de base

Dans le contexte de la crise sanitaire du Covid -19, l’association « Aux captifs la libération » a choisi de garder au mieux le lien avec une soixantaine de victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle.

En appliquant les gestes barrières et en s’équipant de gants et de masques, avec le soutien de la ville de Paris et des services de l’Etat, des membres de l’association ont poursuivi leur mission première de maraudes sur le terrain. 

L’association habituée à aller « mains nues » à la rencontre des personnes a dû se réorganiser pour répondre à l’urgence de la situation de personnes dépendant de la prostitution, aujourd’hui face à des besoins alimentaires et d’hébergement par perte de moyens financiers. Elle a appelé au téléphone plus de 200 personnes de son réseau et reste en lien très contenu avec environ soixante-dix dont une vingtaine en parcours de sortie de traite à des fins d’exploitation sexuelle ou prostitution.

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Une conséquence des mesures de confinement : diminution et plus grande invisibilité des activités prostitutionnelles

Sur le terrain, les réseaux nigérians de traite, connaissant bien la situation sanitaire et les gestes barrières, ont disparu de Château Rouge, Maréchaux Nord, Vincennes et Paris-centre. De même, la population de trans latina du bois de Boulogne qui est partie très vite très effrayée par la maladie et pour une part probablement retournée au pays. Les trans et hommes d’origine magrébine ou roumaine, peu sensibilisés au danger, ont mis plus de temps à prendre conscience de la situation, mais ont également fini par pratiquement quitter le bois de Boulogne au moment de sa fermeture au public. La prostitution plus discrète en appartement et chambre d’hôtel semble aussi en diminution. 

Cette diminution apparente des activités de prostitution a augmenté la précarité des victimes : des besoins alimentaires et en moyens d’hygiène très forts (en particulier en dehors de Paris), le risque de perdre leur logement...

La fermeture d’hébergements d’urgence 

Plusieurs hébergements d’urgence ont fermé du fait de l’indisponibilité des bénévoles en raison du confinement et du risque de contamination. Des lieux d’« hivers solidaire » qui devaient fermer fin mars ont fermé un peu en avance. D’autres lieux ne sont ouverts que la nuit et les personnes se retrouvent à la rue dans la journée.

De nombreuses femmes se retrouvent ainsi à la rue et ne peuvent ni respecter les mesures de confinement, ni se protéger de l’épidémie.

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La priorité : répondre à l’urgence des besoins

L’organisation de la distribution alimentaire nécessaire
Les besoins alimentaires étant les plus présents en ce début de temps de crise sanitaire, la priorité de l’association a été d’orienter les personnes vers les lieux de distribution alimentaire déjà qui se sont peu à peu ré-organisés, essentiellement concentrés sur Paris. Aux Captifs la libération s’est investie dans les dispositifs de distribution alimentaire mis en place par le diocèse de Paris et la ville de Paris. Des colis alimentaires ont été également préparés à l’église laTrinité à une quinzaine de personnes particulièrement dans le besoin, afin qu’elles puissent venir les récupérer. 

Ce n’est pas du tout la façon d’agir initiale de l’association que de se lancer dans la distribution mais face aux besoins des personnes, des tickets services sont aussi maintenant distribués aux personnes sans aide afin qu’elles puissent faire leurs achats essentiels dans les commerces.

La conservation du lien social

La grande majorité des personnes accompagnées par l’association sont restées en lien régulier avec celle-ci par téléphone. Très demandeuses et assidues, les victimes apprécient ces moments qui leur permettent de briser la solitude et de garder le contact avec des personnes extérieures.

En effet, une fois les besoins primaires alimentaires couverts, c‘est bien la soif de lien qui ressurgit.

Loisirs récréatifs en visio
Des ateliers de fitness et de médiation culturelle ont été mis en place en visio. Ils permettent à la fois de se détendre, de partager des moments de convivialité, et de pratiquer une activité sportive ou créative. Le maintien de ces ateliers est primordial pour ces personnes en période de confinement et d’isolement. 

Poursuite des maraudes
Grâce au soutien des services de l’Etat et de la ville de Paris, l’association équipée de masques et de gants a pu poursuivre les maraudes autant que nécessiare.

Les espoirs nés de la crise

Une remise en question des clients
L’arrêt des activités de prostitution implique une période d’abstinence pour la plupart des clients. Il est possible que cela éveille une prise de conscience chez certains des risques encourus et de la situation d’exploitation des victimes. En tous les cas, il semble pertinent d’en profiter pour sensibiliser ce public et les encourager à mettre un terme à ce type de consommation sexuelle basée sur l’exploitation de personnes.

 

Un déclencheur ou catalyseur qui invite les femmes à sortir de l’exploitation
Pour les femmes en rupture d’activité prostitutionnelle, la crise pourra peut être être un déclencheur pour décider de s’extraire de l’exploitation, de se lancer dans un parcours de sortie de prostitution et de s’engager dans un avenir constructif, stable et bénéfique pour elles.

On peut se féliciter du fait que l’Etat ait pris des dispositions pour prolonger des revenus sociaux et titres de séjours pour les victimes de traite.
Mais en l’absence de travail d’accompagnement social, des dynamiques peuvent être cassées et il faudra reconstruire. Par exemple, Un parcours « éducation sexuelle et affective-santé-bien être » qui avait demandé un long travail de conception, venait d’être lancé avec des partenaires compétentes dans leur domaine alliant danse thérapie, groupe de paroles, massages, sensibilisation santé. La confiance commençait à s’installer, la parole à s’ouvrir, cela devra être reconstruit 

Et les enseignements tirés ?
Une confirmation : le besoin de lien des personnes

Quand on occupe le créneau de la distribution alimentaire avec une distance à cause des gestes barrières, des paquets, on constate qu’au début il y a une réelle urgence alimentaire.  Mais une fois la première urgence passée, les personnes sont en recherche de lien social  ; le fait de ne plus faire des repas assis et partagés avec les personnes comme on le faisait avant la crise covid-19, fait ressurgir  la soif de lien social des personnes ; comme on le voit par téléphone avec les personnes victimes de traite, elles sont très assidues et l’on a le témoignage de certaines qui disent « Merci cela me fait tellement de bien. »

Et Joy : « I miss bakhita ooooh, I miss the french class, i miss everybody oooh, I can t wait so we go back to school »

Autant d’expériences à partager avec les autres associations du  Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains ».

Aux captifs, la libération

L’association Aux Captifs, la Libération est née en 1981 pour aller vers les personnes de la rue en situation de précarité à l’intérieur de Paris, aux Bois de Boulogne et Bois de Vincennes ; avec aujourd’hui 25 maraudes hebdomadaires à destination des personnes en situation de rue ou/et d’exploitation sexuelle ou de prostitution. 
Elle a aussi des équipes bénévoles à Bordeaux, Lyon et Nîmes.

Le cœur de sa mission est d’aller à la rencontre des personnes sur leur lieu de vie et ou d’exploitation. L’idée est d’aider chacun et chacune à construire un projet de vie, notamment en sortant de la prostitution.

Les équipes de bénévoles et de salariés ont développé une expertise dans la rencontre, l’identification, l’accueil et l’accompagnement des personnes.

L’association propose également des permanences d’accueil et un accompagnement global à travers du travail social, de l’accès au soin et au droit en partenariat et un maillage associatif adapté.

Les propositions de l’association passant par la liberté de choix des personnes dans leurs parcours, l'association déploie des activités de mobilisation /dynamisation ainsi que des séjours de rupture, comme autant de leviers de reconstruction vers une capacité à l’insertion.

L’identification spécifique des victimes de traite aux fins d’exploitation sexuelle, mineures et majeures, est une priorité de l’association,  ; tout comme la sensibilisation des pouvoirs publics et de la société aux problématiques liées à la traite.

L’association est agréée depuis trois ans par l’Etat pour accompagner des parcours de sortie de traite à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution.
 



Article rédigé en collaboration avec Sophie Baché-Cougnon, Association Aux Captifs, la libération.