Personne ne peut dire avec certitude le nombre de victimes, car il s'agit d'un phénomène, dans une large mesure souterrain. Même si nous ne pouvons pas être tout à fait certains de la méthodologie utilisée et de ses résultats, il est hors de doute que nous sommes face à un phénomène de masse.
Les tendances émergentes en matière de traite des êtres humains
Les situations de conflit ou post-conflit
La traite se vérifie systématiquement dans toutes les zones de conflit et de post-conflit en raison de :
- L’effondrement des institutions et du principe de légalité,
- La marginalisation de classes précédemment bien insérées socialement
- La marginalisation ultérieure de groupes qui, en revanche, étaient déjà vulnérables, (minorités ethniques ou linguistiques, ou minorités discriminées à cause de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre)
Les personnes réfugiées à cause des conflits sont particulièrement vulnérables. Elles n’ont pas accès au travail dans des conditions régulières.
De ce fait, les enfants deviennent souvent l’unique soutien économique de la famille, avec des conséquences graves en termes d’exploitation.
La traite s’installe dans l’économie régulière de nombreux pays
Pour réduire les coûts de main d’œuvre, les grands groupes internationaux font appel à des chaines de sous-traitants dans des pays émergeants pour la fabrication de leurs produits.
Devant la complexité de cette chaine de fabrication délocalisée, les maisons mères ne contrôlent pas assez leurs fabricants en termes d’éthique et de respect des conditions de travail des employés.
De ce fait, certains fabricants exploitent leurs travailleurs en toute impunité pour en tirer un maximum de profit et garantir des coûts de main d’œuvre minimum.
Les secteurs particulièrement touchés : agriculture, industrie touristique, textile, secteur minier, travaux publics, travail domestique, transports terrestres et maritime.
Des mineurs particulièrement exposés à la traite
¼ des victimes de traite sont des mineurs. Beaucoup de mineurs exploités, proches de l’âge adulte, sont considérés comme des migrants irréguliers, souvent détenus en attente d’expulsion. Certains mineurs, impliqués dans des activités illégales, comme la culture de cannabis, ou leur utilisation comme transporteurs ou revendeurs au détail, sont traités comme des délinquants au lieu d’être appréhender comme victime d’exploitation. Ils sont alors poursuivis par la justice au lieu d’être protégés de leurs exploiteurs. Les mineurs recrutés et exploités dans le contexte de la traite doivent toujours être considérés comme desvictimes et non comme des criminels.
Un lien étroit entre traite et immigration, tant régulière qu'irrégulière
Lors des migrations, les facteurs de vulnérabilité à la traite sont nombreux : isolement, perte des liens familiaux et communautaires, non-connaissance de la langue, relation de confiance instaurées avec les recruteurs pour le compte des trafiquants. Ces migrants nécessitent une attention particulière afin de les protéger de l’exploitation qui les attend quasi systématiquement sur leur lieu d’arrivée.
Le principe de non-refoulement doit être absolument respecté.
Personne ne doit être reconduit en Lybie, où il est prouvé que les migrants subissent la détention dans des centres où l’on pratique la torture et le viol systématique, et où ils sont finalement vendus aux enchères comme esclaves.
Les principales mesures à adopter
Pour lutter contre le développement de la traite, il est nécessaire d’envisager des mesures visant à affronter la cause des diverses formes d’exploitation et d’encourager les victimes à entreprendre un parcours de réhabilitation et d’inclusion sociale.
Accorder un soutien inconditionnel aux victimes sur la base de leur vulnérabilité
La grande majorité des législations accorde un soutien aux victimes dont le délit est qualifié de traite soit dès le début de la procédure pénale ou à l’issue de la condamnation. De ce fait, de nombreuses victimes sont livrées à elles-mêmes sans aucune protection soit parce qu’elles n’osent pas porter plainte, soit parce que celle-ci n’a pas été qualifiée de traite par la justice. Par ailleurs, de nombreuses législations subordonnent le soutien aux victimes à leur coopération dans les enquêtes sans tenir compte des menaces qui pèsent sur elles et qui les empêchent d’apporter librement leur témoignage.
Pour une protection efficace des victimes, leur soutien devrait être attribué sur la base de critères relatifs à leur vulnérabilité. Ceux-ci devraient être évalués par des organes préposés à la protection sociale, et être déconnecté des circonstances du procès pénal.
Le repérage des situations de traite ou de vulnérabilité à la traite doit être une priorité
Des procédures dédiées d’identification à des fins de protection dans les pays de transit et dans les lieux de première arrivée doivent être mis en place.
Des formes d’intégration entre le système asile et le système anti-traite devraient être généralisées, basées sur la formation d’autorités compétentes pour concéder le statut de réfugié ou d’autres formes de protection internationale.
La priorité à l’inclusion sociale des ex-victimes
Dans un premier temps, les mesures de court terme sont essentielles pour garantir la réhabilitation des personnes après les traumatismes et les souffrances physiques et psychiques vécus. Dans un second temps, un accompagnement sur le long terme doit permettre à la personne de s’intégrer socialement afin de ne pas retomber dans l’exploitation. L’accès à l'éducation et la formation sont alors incontournables pour retrouver un emploi pérenne et une situation sociale stable, protégeant la personne des pièges de la traite.
L’indemnisation des victimes de traite.
Les victimes de traite et les victimes potentielles doivent pouvoir accéder à tous les canaux juridiques, même différents du canal pénal, pour obtenir les remèdes auxquels elles ont droits. Cela comprend l’indemnisation du dommage pour le travail exploité, ainsi que pour tous les dommages matériels et moraux subis durant la période d’exploitation.
La reconnaissance du travail effectué par les ONG
Les politiques publiques doivent prendre conscience du rôle joué par les ONG dans l’identification et le soutien des victimes et dans la lutte contre la traite des êtres humains. Par ailleurs, les ONG ont fait preuve d’une grande capacité à travailler ensemble.
Il est donc nécessaire qu’elles soient adéquatement financées, dans le respect de leur autonomie, pour accomplir leur mission dans de bonnes conditions, dans l’intérêt des victimes et pour continuer à enrayer le développement de la traite.
Les personnes qui ont été sujettes à la traite sont des personnes capables de grand courage, intelligence et résistance. Si elles sont aidées et soutenues, elles sont capables de se rebeller contre leur exploitation et de trouver leur route avec dignité et liberté, pour reconstruire leur projet de vie.
D'après une contribution de Maria Grazia Giammarinaro,
rapporteure spéciale des Nations Unies sur la traite des personnes, spécialement les femmes et les enfants.
https://www.un.org/ruleoflaw/fr/thematic-areas/transnational-threats/trafficking-in-persons/