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La traite à des fins de contrainte à commettre tout délit ou crime

"Comment mieux prévenir, mieux identifier et prendre en charge les personnes victimes de traite à des fins de contrainte à commettre des tout délit ou crime, les accompagner jusqu'au dédommagement ? Comment réprimer cette forme de traite des êtres humains et punir les organisateurs de ces filières ? " telles sont les questions que se posaient depuis plusieurs mois la CNCDH, rapporteure nationale sur la traite des êtres humains en France.

Nous avons pu présenter à des parlementaires il y a quelques semaines la question de l'impact des jeux olympiques et paralympiques sur les personnes vulnérables.  En particulier, le risque de traite à des fins de commettre tout délit ou crime. Et le fait que cette forme d'exploitation est très mal repérée aujourd'hui. C'était peu après le fameux procès du Trocadéro qui a mis en lumière , en janvier 2024, cette forme de traite. L'ONUDC -Office des Nations Unies contre la drogue et le crime,  de son côté soulignait que cette forme de traite et d'exploitation était en plein essor en Europe de l'Ouest.

11 députés transpartisans (écologistes, socialistes et apparentés, renaissance, gauche démocrate et républicaine, La France insoumise) dont des membres de la Commission des Affaires sociales et des membres de la Commission des Lois de l'Assemblée Nationale ont saisi la CNCDH. Ils ont demandé de "poser un diagnostic sur l'ampleur, les contours et les spécificités de cette forme et organisation de la traite en France, comme sur les modalités de la réponse apportée par les pouvoirs publics". Ils ajoutaient : "Compte tenu du mandat de Rapporteur national indépendant dévolu à la CNCDH sur la traite et l'exploitation des êtres humains, la CNCDH pourra proposer des pistes de réforme de politique publique comme des évolutions législatives afin de mieux prévenir et réprimer cette forme de traite. Nul doute que cette implication de députés sur cette question permettra à cet Avis d'être mieux relayé donnant plus de chances que les recommandations de la CNCDH soient mises en oeuvre.

Voici les points saillants de cet Avis de la CNCDH.

La contrainte à commettre tout crime ou délit... de quoi s'agit-il ?

La contrainte à commettre tout délit ou crime est une forme de traite des êtres humains.

Les victimes sont notamment forcées à commettre des vols, des cambriolages, à utiliser, transporter ou vendre des stupéfiants, ou à contribuer à des arnaques organisées via le numérique.

Des victimes étrangères peuvent aussi être contraintes à utiliser de faux papiers pour lesquels elles sont passibles de poursuites pour faux et usage de faux.

La contrainte peut être obtenue par la violence, souvent sexuelle, la consommation d’alcool, de drogues ou de médicaments, l’existence d’une dette ou une menace. Les victimes sont sous l’emprise de leur exploiteur.

Pourquoi la CNCDH se saisit-elle du sujet de ce sujet ?

La CNCDH est le rapporteur national indépendant sur la traite et l’exploitation des êtres humains. C’est son rôle de proposer des pistes de réforme de politique publique et des évolutions législatives en la matière.

Dans quelques mois auront lieu les Jeux olympiques et paralympiques 2024.
Parce que les grands événements internationaux sont une aubaine pour les trafiquants, onze députés transpartisans ont sollicité la CNCDH pour poser un diagnostic sur l’ampleur, les contours et les spécificités de la traite à des fins de commettre des délits en France, ainsi que sur les modalités de la réponse apportée par les pouvoirs publics.

Quels sont les principaux constats de la CNCDH ?

Je souhaite vous présenter trois principaux constats :

Tout d’abord, et c’est le constat le plus inquiétant, les personnes qui sont contraintes à commettre de délits sont considérées comme délinquantes, responsables de leurs actes. Or, ces personnes sont des victimes.
Cette mauvaise appréhension du phénomène a des conséquences néfastes pour elles. En effet les poursuites à leur encontre, potentiellement suivies de condamnations, vont nuire tant au recueil de leurs témoignages qu’à leur réinsertion, leur reconstruction et à la réparation des préjudices qu’elles ont subis. De plus, les vrais auteurs ne sont pas poursuivis et continuent d’opérer en toute impunité.

Le deuxième constat c’est que le phénomène est avéré, documenté par les associations mais peu investi par les pouvoirs publics, comme en atteste l’absence de statistiques administratives.

Troisième constat : concernant les enfants, dans le cas de la contrainte à commettre des crimes et des délits, les réseaux abusent de la législation nationale et parfois de l’absence d’état civil dans les pays d’origine pour recruter des mineurs, le risque pénal étant moindre.

Quelles sont les principales recommandations de la CNCDH ?

Dans cet avis la CNCDH formule 30 recommandations.

Elle appelle notamment la France

  • A appliquer aux victimes le principe de non-sanction énoncé dans les textes internationaux, et plus globalement à impulser un changement de regard sur les victimes auprès de toutes les personnes susceptibles de les rencontrer, en formant les forces de l’ordre, les magistrats, les personnels de la santé, du social ou de l’éducation…
  • A se doter d’un Mécanisme National d’identification précoce, d’orientation et de protection des victimes permettant au-delà du repérage de personnes contraintes à commettre des délits, que celle-ci ait un accès effectif à des droits et un accompagnement global.
  • A porter une attention particulière à l’emprise chimique qu’ont pu subir les victimes.
  • A intégrer dans la nomenclature des infractions utilisée par la justice et les forces de sécurité la contrainte à commettre des délits.

Enfin, la CNCDH souligne l’importance, à la veille des jeux olympiques et paralympiques de sensibiliser le grand public aux risques d’exploitation et de prévoir pendant les Jeux des centres dédiés à l’accueil d’urgence et l’orientation pour une prise en charge immédiate des victimes.

Télécharger l'avis complet de la CNCDH

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